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proies et les rapporte fumantes encore de vie ; mais un héroïsme diligent et familier multiplie les mains de la femme : celles-ci sont les bonnes ouvrières qui tissent la trame utile et gracieuse des heures. À peine je naissais à la connaissance des infinies ressources que procure la nature. Elles étaient déjà connues de Janille. La jeune ortie, le pissenlit, le cresson, l’oxalis, l’épiaire, les jets du houblon nous devinrent des nourritures fraîches et odorantes. Après le repas, je retirais la table ; nous échangions le salut fraternel et elle allait s’étendre sur un lit de fougères. Je partais chercher le sommeil dans la forêt.

Un matin la pluie tomba, et il plut jusqu’à la nuit. Le ruisseau monta, moussa en grosses écumes ; il fallut édifier un barrage, et je n’avais pas quitté la maison. Tout le jour j’écoutai la chanson de l’eau ; elle tintait aux vitres comme un petit oiseau qui veut entrer, comme le vol d’une âme exilée et qui revient. Moi, j’entendais ainsi le sens de la chanson : plus tard, au temps pourri de l’automne, il sera doux, elle et toi, les mains unies, d’en-