Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

source au fond d’elle. C’était la source même de l’être, toute claire et fraîche comme au matin du monde ; c’était la grâce ingénue de la petite femme-enfant d’Éden. J’y voyais se refléter Dieu comme à travers les arbres et le ruisseau. La femme, dans l’ordre de l’univers, est la gardienne très pure de la vie instinctive et originelle et l’instinct est autant au-dessus de la réflexion que le ciel est au-dessus de la terre. Elle ne cesse pas d’être la beauté sainte de la douce créature animale qui se livre au baiser et enfante. Elle a la mamelle et la toison par symbole de sa destinée. Chaque fossette de sa peau est une coupe où boit l’amour mâle et elle a le cri innocent du faon et la clameur terrible de la lionne.

Nos plaisirs étaient candides et simples comme chez les pasteurs. Nous dansions dans le soir sur les gazons. Ou bien j’embouchais les pipeaux et elle dansait avec Héli. Déjà l’enfant avec grâce tournait ses pieds en rond ; il obéissait au rythme des sons ; et Ève et lui, dans l’heure suave, en levant et