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J’étais Adam avec le tremblement de sa bouche, avec ses litanies d’amour extasié devant l’éclosion de la petite âme féminine. Oh ! cette vie d’Ève était un si extraordinaire prodige, dans sa fraîcheur vierge de petite essence, à côté de moi, le hêtre barbu ! Chacun de ses cheveux était comme autant d’Èves souples et soyeuses, avec une âme enfant vivant et respirant comme Ève tout entière. Et tous ses cheveux sensibles et fins comme le prolongement de ses fibres, est-ce que ce n’était pas là aussi les fibres d’une trame d’éternité comme le drap des berceaux et des suaires de tout temps avant elle ? Mon Dieu ! ces cheveux dans mes mains et toute cette vie profonde d’Ève avec ses genoux et ses petites mamelles et son cher amour secret au creux de ma main comme si, étant au bord d’un fleuve, je puisais avec mes doigts un peu d’eau pour ma soif et que dans cette gorgée d’eau s’amassât toute la durée de la vie du fleuve ! Et encore cette chair d’Ève aux renaissances infinies comme la lune et les mois, fraîche et mobile autant que les