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une harmonie merveilleuse mariait nos heures aux météores, à la germination et aux fruits. Le pain vient après moisson, la cuvée vient après la vendange, le repos suit les travaux du jour. Nous rendions grâces à la nature.

Ève eut la garde du feu et présida à la lessive, aux vêtures et aux aliments. Une grâce royale magnifie l’humble geste qui file, guée le linge, fait le pain et sème la vie et toute chose est noble selon ce qui en dérive. Le cours de l’univers est intéressé à l’ordre et à l’harmonie de la maison. La flamme qui dore la pâte pétrie par de tranquilles mains s’égale au soleil blondissant les mûres moissons. Et c’est pour la table blanche, en fête de graves et doux visages, que le printemps distille l’arome laiteux de l’ortie et du pissenlit, que l’été sucre le cœur frais de la framboise et que l’automne peint de vermillon la poire et la pomme. Une bouche qui mange un fruit est aussi délicieuse que celle qui donne le baiser et tous les actes de la vie ont la beauté d’une religion et sont nécessai-