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haleine bleue du vent dans nos cheveux, avec l’odeur tiède des essences montée de la forêt. Nous restions là les yeux évanouis, cherchant avec nos doigts notre âme à nos fronts froids, dans une agonie d’extase. La nature disait la grande messe nocturne. Nous étions une si petite poussière devant la voie lactée et ses poussières d’astres ! Peut-être aussi nos âmes, dans l’heure terrible, chancelaient d’horreur, d’éperdue adoration, sous le vertige de l’immense amour. Peut-être elles étaient malades du désir de n’être ensemble que le tremblement d’une unique clarté de vie au fond de la vasque de l’être. L’âme et la chair sont unies d’un si profond mystère que ni l’une ni l’autre ne se peut dire, et elles sont toutes proches et elles ont entre elles toute la distance qui sépare les pôles. Moi, d’un élan humble et déchaîné, j’aurais voulu, avec mon grand amour pour Ève, n’être plus qu’une petite molécule, une graine au vent et qui monte dans les espaces et se répand dans l’infini. C’étaient là d’ardentes et suprêmes angoisses comme la minute avant une vie