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éternité. Toute ma substance fut pénétrée de lui. Sa présence circulait dans mes artères et il n’y avait pas place entre lui et moi pour une autre notion que celle qui l’assimilait à mon être comme mon sang liquide et les chaux de mes os et les poils de mon corps. Mon Dieu était aussi bien dans la petite graine qui avait soulevé la motte et nous avait donné le pain que dans la montagne et les fleuves et la forêt et les espèces animales. Il était le zodiaque et la pluie féconde et le lion et la petite araignée filant sa toile avec des fils de rosée. Il était toutes les parcelles de la vie et la vie dans son éternité. Mais à moi et aux hommes de ma race, on avait dit : « Dieu est en dehors de toi qui es le péché. Il n’est pas un grain de ta chair où ne persévère l’impur limon originel. La mort seule peut racheter l’infection de ta vie. Et Dieu lui-même est le roi de la mort et trône au centre d’une éternité morte ». Et puis j’étais venu dans la forêt ; j’avais entendu les oiseaux et la pluie et le bruit du tonnerre. J’avais marché nu sous l’aurore. Le vrai Dieu m’avait été révélé parce que j’avais été nu.