Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que j’aie le torse nu comme les fils de Noë dans la vigne, et j’anhèle ; les veines à mes bras courent comme des mouches bleues. Et à présent le grain éclate et craquète à mesure que je le broie ; la farine jusqu’au bout de la meule s’étend comme une huile blonde. Presse-toi de chauffer le four avec les brins de sapin séchés. Je le construisis au printemps près de la maison avec de la glaise cuite au feu. La brique après la brique s’est exhaussée ; et, par dessus le foyer pour la flambée, il y a l’aire pour la cuisson. Pain ! pain ! c’est moi, ouvrier très humble, qui fis ces choses de la même main qui avait remué la terre et semé le grain. Pain ! pain ! déjà tes esprits se lèvent. Ils étaient dans la balle, ils moussent dans la grasse écume de la pulpe écrasée. Et je dis à Ève : « Il est utile que l’épouse et la mère fasse le premier pain. »

Or voilà, avec l’eau pure de la source, Ève, vers le midi, se mit à pétrir. J’étais auprès d’elle, ému, tremblant, l’âme pleine de paroles et cependant muet comme devant un pro-