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et gerbai mon blé mûr. Il y eut cent gerbes : elles jetèrent leur feu sur l’aire, et puis j’appelai l’âne ; il vint avec moi vers la ségalaie. Ève l’avait guirlandé de vermeilles asclépiades comme pour un mystère. Et, après que j’eus chargé son échine, mettant les gerbes l’une sur l’autre, il s’en retourna, léger sous le poids, vers la maison. L’ombre grise de ses longues oreilles remuait au soleil du chemin. Ève, nous voyant ensuite revenir, Noël et moi, avec le seigle, battit des mains et Héli, déjà haut, oscillait sur ses jambes, courait dans les pas de l’âne avec des clameurs, comme un Bacchus enfant.

Vois, très chère, à présent le vieil Adam auprès des meules. J’ai fait tomber la paille, j’ai soufflé sur le grain et l’ai bluté ; il recouvre la dalle comme une mosaïque d’or. Les deux pierres, polies et lourdes, qui nous servirent au temps ingrat à écraser la pulpe de la châtaigne et du gland, je les meus patiemment avec peine : celle de dessous demeure immobile et des deux mains j’active le vironnement de l’autre. Ma sueur ruisselle bien