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semeur après le temps des semailles ; il passe et la terre ne reconnaît plus celui qui la combla en fermant et rouvrant les mains. Elle arrivait donc, cette Ève mobile comme les saisons ; ensemble nous regardions osciller au vent le champ. D’aimables visions se levaient et nous pensions à la huche. Les pains s’y multipliaient ronds et vermeils ; on n’avait jamais achevé de les pétrir. Après qu’une race s’en était rassasiée, il en restait encore pour les races qui les suivaient. Moi pourtant avec mes mains le premier j’avais retourné le champ. C’était là une précieuse chaleur d’orgueil. J’avais semé la vie et après moi la vie ne s’en irait plus ; elle faisait sortir l’épi des épis et l’homme éternellement de mes fils.

Or, un jour, Ève entrant dans ma pensée, me dit : « Vois, cher Adam, ce blé continuera de germer tant qu’il en tombera un grain dans un peu de terre. Et il y a autant de grains de blé qu’il y a d’étoiles au ciel. N’est-ce pas là aussi un prodige ? » La vache et l’âne ne connaissent du pré que l’herbe à