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débarqué sur les terres de feu. Il y connut les hommes noirs, terribles et ingénus. Leurs mœurs étaient naïves et tragiques. Ils aimaient leurs femmes, caressaient leurs petits et dévoraient leurs ennemis. Ils avaient des amours chastes, étant nus. Et tous étaient très beaux, comme de sveltes bronzes, comme d’harmonieuses images enluminées. Le soir, un ancien devant la tribu réunie énonçait des paraboles ; les tambours et des instruments faits de lamelles de bois ensuite rythmaient leurs danses. Quand un des hommes mourait, sa femme joyeusement s’offrait à l’immolation et le suivait chez les ombres.

Ainsi parla le vieillard. Il se remémorait avec gratitude cette humanité farouche et bienveillante. On les appelait des sauvages : cependant il les jugeait autrement nobles, dans leur orgueil et leur spontanéité, que les pâles races civilisées, hypocrites et luxurieuses, adonnées à l’or. Ils ignoraient le mensonge. Leurs superstitions n’étaient pas plus exécrables que celles des hommes blancs. Ils pratiquaient les arts utiles, travaillaient le bois