Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ches, voyant cet homme immobile aux limites. Le bois longtemps est resté déchiré de leurs clameurs sauvages. L’homme a fini par s’en aller ; il avait effeuillé dans la fougère des églantines. Encore une fois j’étais seul avec toi, Misère ! Je comprenais à présent pourquoi on t’avait donné ce nom. Tu étais Misère par symbole de ma vie délaissée ! Et je t’avais pour unique compagnon. Jamais une petite main de femme ne se poserait dans la mienne.

Et puis, selon mes forces j’ai rajusté les ais du palier. Une branche battait contre le seuil et toujours faisait le bruit d’un pauvre qui veut entrer. Ouvrez la porte, ouvrez la fenêtre, n’empêchez pas la vie de faire ce qu’elle doit faire. Il y a quelqu’un dans une simple branche comme dans le vaste ciel. Le jour passa ainsi et je n’avais pas tué. J’entendais les écureuils courir avec des cris d’amour dans les chênes sans qu’il me vînt à l’idée de prendre ma carabine. Je mangeais des myrtilles et la baie rouge des framboisiers.

Le matin suivant je descendis encore vers la lisière. Personne n’avait ramassé l’églan-