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sences, aux arômes, aux clartés. Sa vie de lait s’infusa de sèves vertes, il fut parfumé d’oliban et de serpolet. Et la mélodie des oiseaux rendit ses oreilles harmonieuses et subtiles.

De longs instants je m’absorbais, admirant bruiner le sang à sa peau, battre sa poitrine élastique et haute, rire le frisson d’un pli à sa bouche. Bientôt il commença d’élever les mains vers la lumière. L’origine des gestes s’ébaucha : ils eurent la forme du désir et de la possession. Le bijou délicat des pieds à la fois s’anima, l’essai confus de la marche dans l’orteil, le tâtonnement inquiet du pas au bord de l’espace. La cellule, d’une vie sourde et active, maintenant se propageait comme le tourbillon d’une ruche. De continues éclosions, avec la pousse des ongles, la croissance des cils et des cheveux, affleurèrent. Et les ondes sensibles aussi montaient ; les fines racines nerveuses eurent l’agitation des légers fucus au sortir de la période gélatineuse des eaux. Moi, je regardais presque avec une angoisse sacrée venir à l’existence