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au seuil d’une terre promise. Je restais longuement penché sur la palpitation paisible de sa vie ; celle-ci avait de profonds silences où doucement une fontaine sourdait, où comme l’eau d’une source, je croyais entendre tomber l’une après l’autre des gouttes d’éternité.

Une infinie et tendre sensibilité l’accorda à l’heure divine. Elle était si près du mystère qu’elle parut le comprendre. Un émoi de jeunes feuilles, le miraillé des vanesses, le vent aux mains d’or heurtaient aux portes de sa vie. Elle vécut ainsi des minutes harmonieuses dans la nature. Elle fut elle-même une petite feuille qui bat et vibre dans la grande forêt de l’être. Un homme comme moi qui avait eu des maîtres alors se voit peu de chose à côté d’une simple femme ignorante des hameaux. Toute ma science, je la pouvais ramasser au creux de ma main ; elle ne pesait pas le poids des grains de blé légers que le semeur prend dans son tablier et lance par le champ. Je n’avais commencé à acquérir une part minime du vrai savoir désirable qu’en redevenant le