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seuls les grands hêtres tardaient à se feuiller, pourprés déjà à leurs cimes. Au friselis du vent toutes les branches s’agitaient comme des mains dans une foule. Et les soirs furent remplis de chuchotements. Il y eut des pluies tièdes ; les aubes ressemblèrent à des baptêmes. Il veut des arômes frais de jeunes langes sur les haies. Le muguet, l’anémone et l’hépatique dans le matin ressemblaient à des gouttes de lait tombées des mamelles de la nuit. Vie ! ô vie qui es la même pour la femme et les brebis et les arbres ! Chez les laboureurs, à présent le pis des femelles s’alourdissait et tu gonflais aussi la gorge pesante de l’épouse. Mets tes petits pas l’un devant l’autre, Beauté ! L’amande amère de l’aubépine commence à parfumer les haies et le chaton du sapin a une odeur d’amour. Son corps dans les fleurs mollement tombait comme un fruit mûr ; et moi j’étais celui qui va dans le verger au matin et récolte les pommes tombées. Je l’emportais doucement dans mes bras.

Elle eut des grâces blessées et lasses. Elle marchait avec prudence sous le faix de sa