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leil en longues bandes d’or obliquement glissa ; le soir commença de floconner en vapeurs violettes. J’étais maintenant à l’entrée de la clairière, guettant avec mes yeux rusés. Des sabots légèrement craquèrent à une petite distance dans le taillis. Je le connaissais bien, ce bruit sec de la marche des chevreuils sous bois. Presque aussitôt une tête aux yeux ardents et sensibles apparut, la fine grâce nerveuse d’un brocard. Celui-là sans doute allait devant la harde, car j’entendais toujours le froissement des feuilles dans le taillis. Il fit un pas et soudain, ses mobiles naseaux au vent, flairant l’odeur de l’homme, il s’arrêta avec le frémissement inquiet de sa souple échine. Moi alors je levai mon fusil et, visant au creux de la poitrine, je tirai. La bête tomba sur les genoux en poussant un cri d’enfant et encore une fois je tirai pour l’achever. À présent elle était couchée sur le flanc avec des mouvements brusques de tout le corps comme si elle eût voulu rejoindre là-bas le galop précipité du troupeau. Des souffles courts creusaient son flanc roux ; ses sabots ruaient dans une ago-