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Le sens de ma vie alors se précisa et tout s’était arrangé selon un ordre admirable. J’étais venu dans la forêt et Ève m’avait apparu. De mes mains je redressai le toit antique, j’abattais des proies dans le taillis. Notre destinée nous avait menés là tous les deux pour y vivre une vie libre selon la nature. Mais l’amour n’est pas une fin à soi-même. Il est le commencement des autres amours : derrière la bouche unie des amants il y a le cri de l’enfant, il y a la rumeur profonde de la famille. Le chêne immense et tout le vert paysage des branches dans la clairière tiennent dans le petit cône du gland. Et voilà maintenant, j’avais construit le berceau ; j’avais taillé dans le hêtre, par un symbole des races, les cahières et l’escabeau ; et le pain bientôt remplirait la huche.

J’étais comme le pèlerin qui a coupé le bourdon dans la forêt sacrée et qui, à mesure qu’il marche, voit cette tige se fleurir de fleurs de vie.