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même. Encore une fois je regardai profondément en moi et de nouveau la petite chose obscure monta, grandit. Elle fut l’enclume sur laquelle bat le marteau et se ductilise la souple coulée. L’enclume ! et non plus la pierre, mais l’enclume ! l’enclume ! Oh ! alors il me passa une étrange secousse comme si tout à coup une clarté entrait dans mes lourdes prunelles. Mon cœur doucement se gonfla ; je détachai la croûte solide et, l’ayant portée là où tout à l’heure il n’y avait qu’une pierre, je lui donnai celle-ci pour assises en attendant de les fixer ensemble avec l’argile. Et je n’avais plus d’orgueil ; j’étais un pauvre esprit simple et humilié sous la main qui m’avait fait signe. Voilà, oui, je fus averti qu’il existe une force en dehors de la volonté humaine, fortuite et bénigne. Et moi, comme les autres hommes, autrefois je l’avais appelée le hasard.