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Un vol d’étincelles crépita, un essaim de guêpes ardentes qui me brûlait la barbe, les cheveux et-les mains. Je ne sentais pas la cuisson. Joie ! Joie ! par mon industrie et ma volonté j’avais créé le premier outil ! Je pouvais lever et abattre le marteau qui cogne et broie. Et maintenant orgueilleusement je brandissais cette masse brute et puissante comme un homme ivre. L’ancêtre inconnu peut-être dansa et rit et cria comme moi je le faisais là. Il y a de si profonds vertiges dans toute part de nous qui vient au jour ! L’orgueil ensuite ne s’en va que peu à peu devant tout ce qu’il faut savoir et qu’on ne connaîtra jamais.

Or, voilà, avec cette couronne de folie à mes tempes, j’oubliai que la fonte se figeait au fond du creuset. Je m’étais dit : « Je ferai d’abord le marteau et puis je ferai la hache. » Et à présent le feu était mort et il n’y avait plus dans le creuset qu’une matière dure à l’égal de la pierre. Assieds-toi devant l’œuvre inachevée, stupide ouvrier, et froidement, après l’orgueil mauvais, prends conseil de toi