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donné tes petites mamelles et tu ignorais quel nom divin porte l’amour.

Or, un matin, étant allés à deux dans la forêt, nous nous assîmes sur un tertre et aucun de nous ne parlait. Un brouillard léger flottait, car déjà l’automne déclinait. Et toi tout à coup, entendant chanter la grive, tu te mis à pleurer. Je ne savais pas pourquoi cette ondée chaude te coulait sur les joues. Je voulus t’embrasser, mais tu écartas ma bouche, disant : « Ne crois-tu pas, ami, que le bois va s’éveiller à présent que la grive a chanté ? » Quelle singulière parole tu me dis là ! Le bois s’effeuillait et tu n’aurais pas parlé autrement si le printemps était revenu. Et puis tu ajoutas d’une voix qui n’était plus ta voix : « Il me semblait dormir aussi depuis une éternité. Ô cher Adam, la grive a chanté et maintenant je m’éveille. » Moi à mon tour je l’entendis alors pour la première fois, mais son chant n’avait pas pour moi le même sens que pour Ève. « Vois-tu, lui dis-je, c’est à cause du passage : elles reviennent au temps des sorbes. » Je parlais comme un homme qui ignore