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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Aussi je me complais dans la triste harmonie,
Harmonie où Chopin frissonnant a noté
Les affres, les tourments d’un homme à l’agonie
Qui, lui, craint ce sommeil fait de l’éternité.

Je vois le moribond étendu sur sa couche,
Le front déjà teinté de tons cadavéreux,
Et je l’entends râler ! et je vois que sa bouche
Se crispe sous l’ effort des soupirs douloureux...

Dans son âme, Espérance, on croirait que tu passes,
Que le mal a cessé de torturer sa chair,
Quand l’accompagnement terrifiant des basses
S’apaise pour laisser entendre un plus doux air.

Alors, le malheureux, dans les lointains du rêve,
Aperçoit un jeune homme alerte, plein d’entrain,
Femme au bras, dans un bois, aux champs, sur quelque grève,
Et ce jeune homme chante un amoureux refrain.

C’est lui, que ce mourant voit, dans sa remembrance,
S’agiter et marcher, fier, amoureux et beau !
Il oublie un instant son atroce souffrance,
Et les bons souvenirs lui cachent le tombeau.

Mais, hélas ! de nouveau le sinistre glas tinte :
Le mourant est saisi par des frissons plus froids...
La musique s’est tue, et la vie est éteinte
Avec les longs sanglots, les plaintes, les effrois.

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