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ALBERT GIRAUD.


L’arome capiteux de ta maturité
Enivre puissamment ma chair inassouvie,
Et du fond du passé mon âme est poursuivie
Par l’éternel regret de ta virginité.

J’ai souvent jalousé, par les soirs pacifiques,
Les vaisseaux attirants, lassés et magnifiques
Dont l’orgueil du retour solennisait les mâts,

Et qui semblaient traîner, derrière leurs antennes,
Une émanation des ciels et des climats
Qu’ils avaient respires dans leurs courses lointaines.


(Hors du Siècle)





L’ANNONCIATEUR




Enfant désordonné, turbulent et nerveux,
Dont rien ne peut fléchir la volonté hardie,
Déjà l’on voie courir dans l’or de tes cheveux
                  Des rêves d’incendie.

D’ardents reflets de chair, de fournaise et de sang,
Allumés dans les plis de tes lèvres vaillantes,
Fardent superbement d’un fard éblouissant
                  Tes pommettes saillantes.

L’espoir de la maraude et du fruit défendu
Et le pressentiment des balafres futures
Redressent vers le ciel ton nez large et fendu
                  De chercheur d’aventures.