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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


N’écoute pas le cri lointain qui te réclame,
Les conseils exhalés dans la semeur des nuits.
Tu sais que nul baiser libérateur, mon âme,
Ne rompt l’enchantement de tes subtils ennuis.

Laisse les vendangeurs en leurs mauvaises vignes.
Tu ne t’enivres pas des vins de leur pressoir :
Contemple les lueurs candides des grands cygnes
Glissant royalement sur les lacs bleus de soir.

Et dans le jardin pur de floraisons charnelles
Regarde croître l’ombre avec sérénité,
Tandis qu’au ciel, des mains blanches et fraternelles
Font dans le crépuscule un geste de clarté.





L’HIÉRODOULE




Dans le triomphe bleu d’un soir oriental
Elle s’accoude avec une lente souplesse
Au rebord lumineux de la terrasse, et laisse
Ses cheveux étaler leur deuil sacerdotal.

La ville sainte aux toits baignés de lueurs blanches
Est pleine de rumeurs d’épouvante, et là-bas,
Dans le Bois pollué par le sang des combats,
Des feux semblent des yeux cruels entre les branches.

Les hommes durs venus de pays innommés
Fouleront ce matin le soi du sanctuaire ;
Près des murs, attendant l’aurore mortuaire,
Veillent, silencieux, des cavaliers armés.