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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Terre d’éveils ravis où dort l’écho des rêves
Au fond des bois bordés d’étangs et de jardins...
Des fleuves embaumaient aux lauriers riverains
Leurs ondes claires à baigner le nu des Èves.

Mais voici qu’à l’effort d’un doux vent alizé
Vers le golfe incurvé calme comme une rade
Vint aborder une galère de parade
Relie d’un appareil naval et pavoisé.

La poupe reflétait ses lettres en exergue
Aux flots battus par les rames à chaque bord,
Et des singes pelés se jetaient des noix d’or
Avec des cris du haut de la maîtresse vergue ;

Tous les agrès étaient de soie et d’or tissés,
Un semis de croissants de lunes et d’étoiles
Éparses constellait l’écarlate des voiles,
À des hampes des tendelets étaient dressés...

Les Princesses ayant foulé les blondes grèves
S’en vinrent en cortège à travers les jardins,
Avec des fous, des courtisans, des baladins,
Et des enfants, porrant des oiseaux et des glaives.

Et, pris d’un grand amour et tout émerveillés
De sentir une honte enfantine en nos âmes
À nous voir si chétifs devant ces belles Dames
Et vêtus de la laine seule des béliers,

À leurs mains maniant des éventails de plumes
Prises à l’aile en feu des oiseaux d’outre-mer,
À leurs pieds qui courbaient les patins d’argent clair,
À leurs cheveux nattés de perles, nous voulûmes,