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MARIE DE VALANDRÉ.


Il est des doigts purs et sacrés,
Des doigts saints de religieuse,
Dont la main vaillante et pieuse
Restera sans bijoux dorés.
Un cercle d’argent les enserre,
Plus fort dans sa fragilité,
Plus beau dans sa simplicité,
Que tous les joyaux de la terre...

Il est des doigts baignés de pleurs,
Des doigts glacés comme la pierre,
Qui dans l’ombre du cimetière
Épellent un nom sous les fleurs ;
À ces doigts amaigris de veuve
Brille encore un chaînon puissant :
C’est le dernier qui dans l’épreuve
Les tienne unis au cher absent.

Il est de frêles doigts d’artiste
Qu’autrefois vous serriez bien fort,
Mais dont la main mignonne et triste
Ne porte pas de bague d’or :
Elle a gardé la douce fièvre
Du seul baiser qu’elle ait permis,
Et l’empreinte de votre lèvre
Lui tient lieu de l’anneau promis.





LE DRAPEAU




Le brouillard de décembre au loin voilait la plaine ;
Les morts dormaient, fauchés comme des épis blonds ;
La mère, grelottant sous son manteau de laine,
Allait, cherchant son fils au revers des sillons.