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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Que les flammes du ciel stérilisent ta glèbe,
Que la bonne rosée ignore tes épis,
Ô mont de Guilboa piétine par la plèbe
Des vainqueurs, sur nos morts dépouillés, accroupis !

Sois balayé toujours par l’aride tempête.
Que la grêle t’assiège, ô mont de Guilboa !
Comme si Shemouël n’eût point sacré sa tête,
Là des mains de Shaoul le bouclier tomba.

Ô Yonathan, ton arc invincible et tes flèches
N’ont pu briser le vol de cailloux meurtriers ;
Tes flèches, qui jamais n’entraient au carquois, sèches
De la graisse et du sang des plus fauves guerriers.

Ton épée, ô Shaöul, ta redoutable épée
Que tant de fois teignit la pourpre des combats.
En deux tronçons rompus gît dans ta main crispée,
Et sur un fer d’esclave, ô maître, tu t’abats !

Les aimés, les charmants, ceux que le peuple admire,
Shaöul et Yonathan, voilà leurs jours finis ;
Baignez leurs corps de pleurs, parfumez-les de myrrhe,
Défunts comme vivants, ils sont toujours unis.

Leur course défiait le vol léger des aigles,
Ils franchissaient d’un bond ravines et ruisseaux ;
Ils fauchaient de l’aurore au soir des champs de seigles,
Et leur vigueur domptait celle des lionceaux.

Ô filles d’Israël, pleurez toutes vos larmes ;
Car le guerrier n’est plus, qui vous parait d’habits
Somptueux, et faisait pour l’éclat de vos charmes
Monter sur les tissus l’onyx et le rubis.