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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


C’est toi le vrai sauveur et toi le vrai messie.
Rédemption des sens, crêche des voluptés,
Verbe que promettait l’antique prophétie,
Seul don de Jéhovah à ses déshérités !

Salut ! Nous dresserons dans des châsses d’ivoire
De blancs socles d’argent sous tes pieds immortels,
Et l’homme, ayant des dieux auxquels il puisse croire,
Rajeunira son cœur en baisant tes autels.

Nous, tes prêtres émus, apôtres et prophètes,
Chanterons l’hosannah sur des rythmes joyeux ;
Les vierges tresseront des myrtes pour tes fêtes,
Et la paix fleurissante embaumera les cieux !

Mais si je meurs trop tôt pour saluer ton temple
Et voir grandir nos fils dans l’amour de ta loi,
J’aurai du moins l’orgueil et l’honneur de l’exemple,
Moi qui brûle ma vie à n’adorer que toi !





LE CLOÎTRE




Un crucifix de fer tend ses bras sur le seuil.
De larges remparts gris ceignent le cloître austère,
Où viennent se briser tous les bruits de la terre,
Comme des flots mourants aux angles d’un écueil.

Le saint lieu, clos à tout, gît comme un grand cercueil,
Plein de silence, plein d’oubli, plein de mystère :
Des vierges dorment là leur sommeil volontaire,
Et sous le voile blanc portent leur propre deuil,