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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Vois-tu, vers le zénith, cette étoile nageant
               Dans les flots de l’éther sans borne ?
L’astronome m’a dit que sa sphère d’argent
               N’était plus rien qu’un cercueil morne.

Jadis, dans un superbe épanouissement,
               D’un troupeau de mondes suivie,
Féconde, elle enfantait majestueusement
               L’amour, la pensée et la vie.

Tous ses bruits, un par un, se sont tus sous le ciel ;
               L’espace autour d’elle est livide ;
Dans le funèbre ennui d’un silence éternel
               Elle erre à jamais par le vide.

Pourtant, elle est si loin que depuis des mille ans
               Qu’elle va, froide et solitaire,
Le suprême rayon échappé de ses flancs
               N’a pas encor touché la terre.

Aussi, rien n’est changé pour nous : chaque matin
               La clarté de l’aube l’emporte,
Et chaque soir lui rend son éclat incertain...
               Personne ne sait qu’elle est morte.

Le pilote anxieux la voit qui brille au loin,
               Et là-bas, errant sur la grève,
Des couples enlacés la prennent à témoin
               De l’éternité de leur rêve !

C’est la dernière fois, et demain nos amants
               N’y lèveront plus leurs prunelles :
Elle aura disparu, — comme font les serments
               Qui parlent d’amours éternelles !