aul Bourget est né à Amiens, en 1852. Il commença au
lycée de Clermont-Ferrand de fortes études littéraires, qu’il
vint achever à Paris, où il prit sa licence ès lettres. C’est alors
qu’il rencontra Jean Richepin, Maurice Bouchor et cet Adrien Juvigny
dont ses amis ont attesté en si beaux vers l’inconnu génie anéanti par la
mort avant l’œuvre faite. Autour d’eux se groupèrent quelques autres esprits
d’élite, et ainsi fut formé ce libre et innommé cénacle qui aura sa place
dans l’histoire de la poésie contemporaine, à la suite du groupe des Parnassiens. Bouchor venait de publier ses Chansons joyeuses, Richepin
préparait sa Chanson des Gueux, quand Bourget donna son premier
recueil : La Vie inquiète (1875). Titre caractéristique, non seulement
de cet ouvrage, mais de toute l’œuvre de l’écrivain. Inquiétudes du cœur,
inquiétudes des sens, inquiétudes de l’esprit, voilà ce que déjà l’on y trouvait à chaque page. L’accent était nouveau, comme nouvelle était la mélancolie : celle d’un homme en qui la substance de trop de livres s’est déposée,
qui, très jeune, s’est trop regardé vivre au lieu de vivre, qui souffre de ce
mal de tout analyser, destructif de la joie dans l’amour et de la sérénité
dans la pensée. Pourtant La Vie inquiète recèle encore les débris d’une
âme antérieure, plus simple et plus enthousiaste. À défaut d’autres
croyances, quels nobles actes de foi dans l’art, « seul Dieu réel ! » Quels
chauds appels à l’avenir ! Quelles paroles de mépris pour ces cœurs étiolés
qui, dénués d’ambitions sublimes,
Ont vécu sans génie et se sont consolés !