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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


ÉRÔS ENCHAÎNÉ


I



Au seuil de la forêt, à l’ombre d’un grand arbre,
Un vieux Faune sourit dans sa gaine de marbre
Sous les regards du dieu de pampres couronné,
À ce socle rustique Érôs est enchaîné.

Triste, il rêve à Psyché : pour se rapprocher d’elle,
Souvent, pauvre captif, il a battu de l’aile,
Croyant rompre sa chaîne en un sublime vol,
Mais les tyrans divins l’ont cloué sur le sol.

Maintenant il succombe et sa tête se penche
Mélancoliquement sur son épaule blanche ;
Il s’est enveloppé de ses ailes, lassé,
Les ouvrant à demi, comme un oiseau blessé.

Derrière lui, lubrique, appelant la caresse.
Le Faune a beau chanter la chanson de l’ivresse,
Érôs ne l’entend plus : calme et silencieux,
De ses profonds regards il contemple les cieux.



II


Va, pauvre adolescent, ne baisse pas la tête !
Quand tu volais, la-haut, dans l’éternelle fête
De l’amour toujours chaste et toujours triomphant,
Ainsi que ta Psyché tu n’étais qu’un enfant ;