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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Un autre irait, pareil au pauvre qu’on repousse,
Triste et suivant de loin la trace de tes pas :
Tu me verras plus fier… Surtout, n’espère pas

Que jamais contre toi mon regret se courrouce ;
Car seule aux jours amers ta lèvre me fut douce,
Et je n’ai su trouver l’oubli qu’entre tes bras.


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LES FLEURS ESPÉRÉES




C’est l’hiver ! Grelottante et brave, tu me dis :
« Sortons, le froid m’égaie… » Un lierre aux branches tortes,
Sur le ciel pâle et clair dessinant ses eaux-fortes,
Laisse un peu de verdure à l’angle du mur gris.

Les rossignols frileux rôdent autour des portes,
Beaux chanteurs imprudents que la neige a surpris ;
Et le parfum léger des violettes mortes
Semble flotter encor sur les gazons flétris.

Restons plutôt, mignonne, il sera bon de vivre
Tous deux seuls, cependant qu’aux fenêtres le givre
Mettra sa broderie entre le monde et nous,

Et d’attendre, oublieux des hommes et des choses,
Que la vitre éclaircie aux feux d’un mois plus doux
Nous laisse voir enfin le jardin et les roses.


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