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EUGÈNE VERMERSCH.

Jamais le vent n’a ridé l’onde,
Les arbres viennent s’y doubler ;
Mais nul ne les a vus trembler,
Au cœur de la forêt profonde.

Et de ce lac, jusqu’au matin,
Au travers des feuillages sombres,
La lune, qui bleuit les ombres,
Glace d’un baiser argentin
Les nappes d’eau qui vont s’étendre
Entre les nénuphars géants
Où les fantômes enivrants
Tournent, mais sans se faire entendre.

La nuit, j’ai souvent admiré
La musique qui, par les branches,
Pour ce doux bal de formes blanches,
Flotte sur ce lac ignoré ;
Tombe-t-elle d’un autre monde,
D’un clément paradis lointain,
Pour animer jusqu’au matin
La chère et fantastique ronde ?

Toutes ces robes de satin,
Au cœur de la forêt profonde,
Reflètent leurs éclairs dans l’onde
Que glace un baiser argentin ;
Et les nappes qui vont s’étendre
Parmi les nénuphars géants
Semblent d’étranges diamants
Blancs, roses, lilas et bleu tendre.