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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Fouettent la ronce qui s’effare
Et sonnent leur blanche fanfare
Pour égayer les sapins noirs.

Leur folle vague, ivre de joie,
Bondit, s’éparpille, tournoie,
Croule en nappe, monte en vapeur ;
On les voit, vierges effrénées,
Libres filles des Pyrénées,
Se ruer au gouffre sans peur.

— Où donc allez-vous, les démentes ?
Pourquoi préférer vos tourmentes
Au sommeil du lac dans l’éther ?
— Laissez l’inertie aux cadavres,
Nous entendons l’appel des havres,
Nous courons à la grande mer !


(Pics et Vallées)


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LES ROCS




Comme je vous envie, ô pierres ! nobles pierres !
— Vous opposez, plaignant notre éphémère orgueil,
Vos blocs sans pieds ni mains, sans lèvres ni paupières,
À nos pulpes qui vont se dissoudre au cercueil.

Quelle pitié, qu’un roi qui ne tient pas en place !
Sur les contorsions de cette humanité,
Qu’incessamment la Mort fauche, raidit et glace,
Vous dressez à jamais votre immobilité !