Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
JOSÉ-MARIA DE HEREDIA.



LE RÉVEIL D’UN DIEU




La chevelure éparse et la gorge meurtrie,
Irritant par les pleurs l’ivresse de leurs sens,
Les femmes de Byblos, en lugubres accents,
Mènent la funéraire et lente Théorie.

Car sur le lit jonché d’anémone fleurie
Où la Mort avait clos ses longs yeux languissants,
Repose, parfumé d’aromate et d’encens,
Le jeune homme adoré des vierges de Syrie.

Jusqu’à l’aurore ainsi le chœur s’est lamenté ;
Mais voici qu’il s’éveille, à l’appel d’Astarté,
L’Époux mystérieux que le cinname arrose.

Il est ressuscité, l’antique Adolescent !
Et le ciel tout en fleur semble une immense rose
Qu’un Adonis céleste a teinte de son sang.


____________



LE CHEVRIER




Ô berger, ne suis pas dans cet âpre ravin
Les bonds capricieux de ce bouc indocile ;
Aux gorges du Ménale où l’été nous exile
La nuit monte trop vite, et ton espoir est vain

Restons ici, veux-tu ? J’ai des figues, du vin.
Nous attendrons le jour en ce sauvage asile.
Mais parle bas. Les Dieux sont partout, ô Mnasyle !
Hécate nous regarde avec son œil divin.