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AMÉDÉE PIGEON.


On croirait voir sur des épaules
Flotter de larges voiles blancs
Lorsqu’autour du tronc blanc des saules
Il s’enroule en épais rubans.

Tout semble avoir changé de place,
Tout se confond étrangement ;
Parfois une vapeur qui passe
Semble le pli d’un vêtement.

Tremblotante et mystérieuse,
Au milieu de ce ciel changeant
Une étoile silencieuse
Met une étincelle d’argent.

Les fauvettes dorment couchées :
Pas un bruit, pas un chant d’oiseaux,
Les rainettes chantent cachées
Dans les glaïeuls et les roseaux.

On voit à peine les prairies
Sous l’immense et molle vapeur ;
Sous le toit chaud des bergeries
Et bergers et troupeaux ont peur.

Au milieu de ce grand silence
Facilement on entendrait
Le vent chuchotant qui balance
Les feuillages de la forêt.

Parfois le souffle frais qui lutte
Avec les pâles fleurs des eaux
Fait soupirer comme une flûte
Les tiges sèches des roseaux.