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FRANÇOIS COPPÉE.

Que pour les égarés et les impénitents,
Étant belle, étant noble et riche, ayant vingt ans,
Tu viendrais d’accepter cette lente agonie,
Pour ton erreur sublime, ô ma sœur, sois bénie !


(Jeunes Filles)


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VIEUX BROUlLLON DE LETTRE




Adieu ! J’ai peur d’aimer. Quittons-nous ce soir même.
Je te ferais souffrir et tu me rendrais fou.
Ainsi qu’une coquette ôte un collier qu’elle aime,
Je détache à regret tes bras blancs de mon cou.

Adieu ! L’Amour viendrait. Bornons-nous au caprice.
Ne nous torturons pas des larmes du départ.
Adieu ! Mon cœur blessé saigne à sa cicatrice.
J’ai tant souffert, vois-tu, pour avoir fui trop tard.

Adieu ! Pour nous punir de notre fantaisie,
L’Amour veille, il nous guette, et le malheur le suit,
Pareil à ce bourreau qu’une reine d’Asie
Postait pour égorger ses amants d’une nuit.

Huit jours tu m’appartins. — ô joie, ivresse, gloire ! —
Avec des soirs d’été pour sublime décor ;
Et, parmi les amours étoilant ma mémoire,
Nos amours sont ainsi que des planètes d’or.

Mais puis-je, pauvre et fier, te garder, toi, trop belle ?
C’est impossible, hélas ! Épargnons-nous des pleurs.
Si nous tardions encor, — la vie est si cruelle ! —
Nos soupirs d’aujourd’hui deviendraient des douleurs.