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HENRI CHANTAVOINE.


La raison plonge en vain dans le gouffre éternel
Où s’agitent sans fin les effets et les causes ;
Pour comprendre les lois qui régissent les choses,
Il faut un sens plus pur et plus surnaturel.

Il faut, au lendemain des dernières épreuves,
Avoir interrogé le mystère du sort,
Et, dans cette leçon sinistre de la mort,
En face du néant, cherché les grandes preuves.

Il faut avoir versé le plus pur de son sang
Et de ses propres mains élargi sa blessure;
Si l’amour est plus doux, la douleur est plus sûre ;
C’est dans la nuit du cœur que la clarté descend.

Oui, l’homme est un fantôme et la vie est un rêve ;
À peine nous avons essayé d’être heureux
Que la fleur de nos jours se fane sous nos yeux
Et que dans un tombeau notre songe s’achève.

Mais l’amour immortel survit au noir tombeau,
Et, lorsque nous avons perdu la bien-aimée,
Celle par qui notre âme avait été charmée
À son cierge de morte allume le flambeau,

Le flambeau merveilleux de vie et d’espérance,
Dont le rayon divin nous éclaire ici- bas,
Étoile de salut qui ne s’obscurcit pas
Et dont la flamme d’or luit sur notre souffrance.

Il faut, le cœur percé du glaive des douleurs,
Avoir offert ce cœur sanglant en sacrifice,
Avoir porté sa croix et vidé son calice,
Et bu, jusqu’à la fin, l’amertume des pleurs.