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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Sur la montagne il esc poursuivi par des voix,
Et chacun de ses jours est le chant d’un poème ;
Il se lève la nuit, prend la plume, et parfois
Sur sa propre musique il s’attendrit lui-même !

Ah ! ce n’est point assez de se frapper le front,
Et d’être las de tout sans en savoir la cause !
Crois-tu que, pour souffrir, nous soyons quelque chose ?
Nous avons beau pleurer, nos larmes passeront!

Ah ! ce n’est point assez d’adorer sa maîtresse,
Avec elle d’aller s’asseoir au bord des mers,
D’être pâle d’amour après une caresse,
Et d’avoir des amis pour admirer nos vers !

L’artiste est un oiseau qui plane sur la vie :
Sur chaque passion il se pose un moment,
Et ne s’attarde pas à tout endroit charmant,
Goûtant la volupté de la soif assouvie.

Je sais bien qu’il est doux de s’écouter longtemps,
Qu’il fait bon se plonger dans les choses qu’on aime ;
Mais, alors, serons-nous jamais celui qui sème ?
Serons-nous la moisson ? Serons-nous le printemps ?

Oui, les jardins sont beaux quand Avril renouvelle
La floraison neigeuse et rose des pommiers ;
Dans les cieux rajeunis la lumière est plus belle,
Et l’on veut dans les bois s’en aller les premiers !

Oui, j’ai pleuré tout seul en lisant des poètes!
Oui, je connais l’aurore, et les fleurs et les champs!
Oui, mes yeux bleus ont bu l’or des soleils couchants,
Et j’ai mêlé ma vie à ces choses muettes !