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FRANÇOIS COPPÉE.

Revint au pont-levis pour revoir son estoc.
Du couvent, grand ouvert et calme sur le roc,
Toujours l’hymne pieux s’envolait dans la nue.
La lourde épée encore en terre, droite et nue,
N’avait pas pris racine et n’avait pas fleuri ;
Mais, pour vivre un seul jour, en une nuit mûri,
Un liseron, autour de la lame immobile,
Avait fait tournoyer sa spirale débile.
La moindre de ces fleurs que l’abbesse aimait tant
Tenait captif le glaive au reflet éclatant,
Et, suave et charmant comme un œil qui regarde,
Son frais calice bleu fleurissait sur la garde.

Procope demeura pendant un long moment,
Regardant l’humble fleur, songeant à son serment,
L’âme d’inquiétude et de stupeur frappée ;
Puis enfin :

Puis enfin : « Donnez-moi, dit-il, une autre épée,
Et qu’on lève le camp !… Mon cheval !… Nous partons. »

Et, traînant après lui cavaliers et piétons
Qu’un liseron des bois avait remplis de crainte,
Il s’éloigna.

Il s’éloigna. La fleur avait sauvé la sainte.


(Les Récits et les Élégies)


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JUIN



Dans cette vie où nous ne sommes
Que pour un temps si tôt fini,
L’instinct des oiseaux et des hommes
Sera toujours de faire un nid ;