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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

LA TOMBE D’UN OISEAU


Sous le vivant gazon du jardin embaumé,
A l’ombre d’un rosier, l’oiseau défunt repose ;
Et là, parmi les rieurs, son corps inanimé
Lentement se transforme et se métamorphose.

Hélas ! que deviens-tu, petit être charmant
Qui voltigeais hier dans la cage dorée,
Et, dès l’aube attentif, célébrais si gaîment
Le bienfaisant retour de l’aurore empourprée !

Affectueux ami, ta grâce va passer
Dans l’arbuste fécond et les plantes écloses ;
Ton âme va revivre et va s’éterniser
Dans la séduction et le parfum des roses !

Ton svelte souvenir et tes douces chansons
Nous séduiront demain sous des formes nouvelles ;
Tu vas t’épanouir au sein des verts gazons,
Et ton rosier funèbre aura des fleurs plus belles !

Quand l’orgueilleuse mort viendra glacer mon cœur,
Et forcera ma Muse à replier son aile,
Je voudrais, comme toi, petit oiseau fidèle,
Reposer au milieu d’un parterre enchanteur.

Mon être anéanti retrouverait la vie
Dans l’arôme subtil, dans l’ombrage tremblant,
Et sentirait encor la fraîche poésie
Des rameaux pleins de sève enlacés par le vent.