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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

S’allumait par instants au fond de son œil clair ;
Le sang rapidement colorait sa peau blanche ;
Elle avait arboré la robe du dimanche,
Le fichu flambant neuf et le plus beau bonnet :
Après quatre longs mois son Pierre revenait !
Son Pierre, son époux, son homme enfin : le père
Des deux petits blondins qui l’appellent leur mère,
Gars de quatre à cinq ans, barbouillés et fripons,
Qui la suivent toujours, blottis dans ses jupons !

Ah ! certe, elle était belle, et gaie, et pleine d’aise
Et bonne à regarder, cette brave Gervaise !

J’achevais de dîner, quand la nuit brusquement
Se blanchit d’un éclair livide : un tournoiement
De vent et de grêlons s’abattit sur la plage ;
La tempête éclatait sombre, pleine de rage,
Et soulevait les flots d’écume couronnés.
Serré contre sa mère, et les yeux étonnés.
Un des enfants cria... Gervaise devint pâle.

« Allons, lui dis-je, allons! ce n’est qu’une rafale...
Un coup de vent... D’ailleurs, ils sont au port déjà ! »

D’un brusque mouvement, son œil interrogea
L’horloge aux poids de plomb pendue à la muraille :
« Qui sait ? »
                   Et l’ouragan, dans un bruit de mitraille,
Vint s’abattre en râlant sur le toit ébranlé.
Elle pâlit plus fort ; moi-même je tremblai.

Une heure se passa, terrible; une autre encore.
Personne !

Autour de nous la grande voix sonore