Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée
238
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

LES DEUX OMBRES

Deux ombres cheminaient dans une étroite allée,
Sous le pâle couchant d’un jour mourant d’été :
L’une avait sur la lèvre un sourire enchanté ;
L’autre était languissante et de crêpes voilée.

Elles allaient sans but, distraites du chemin,
Cherchant la solitude et son divin mystère ;
Fiancés éternels aussi vieux que la terre :
La Douleur et l’Amour qui se donnaient la main.

(Le Vitrail)

LES MORTS

Les morts ne sont pas ceux qui meurent
Et qui s’en vont en paradis ;
Les vrais morts sont ceux qui demeurent,
Par la stupeur des deuils raidis.

Leur gîte sombre est une bière
Sans épitaphe et sans cyprès ;
On y sent le poids de la pierre
Et le rongement des regrets.

Et sur la sépulcrale geôle
Les jours pleuvent, flétris et froids,
Comme pleuvent, d’un pâle saule,
Les feuilles qui couvrent les croix.

(Le Vitrail)