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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

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Eh bien ! avant le jour — lointain encor, j’espère ! —
Où, jetant ta cognée et te croisant les bras,
Les yeux clos à jamais, tu te reposeras
Sous l’herbe haute et drue où repose ton père,

J’ai voulu de mes vers réunir les meilleurs,
Ceux qui gardent l’odeur de tes bruyères roses,
De tes genêts dorés et de tes houx moroses,
Et t’offrir ce bouquet de rimes et de fleurs.

Puis, un soir, je viendrai peut-être, à la veillée,
Te lire mon recueil; et, si mes vers sont bons,
Tu songeras, les yeux fixés sur les charbons,
A ta fière jeunesse en mon livre effeuillée.

Voici ton frais vallon, là, tes coteaux herbeux,
Là, ton ruisseau bavard peuplé de libellules,
Tes ruches où le miel déborde des cellules,
Tes prés où gravement ruminent les grands bœufs,

La basse-cour avec ses coqs aux rouges crêtes,
Et son doux chien de garde au soleil endormi ;
Puis, tout au loin, le bois profond, ton vieil ami,
Roupeyrac, dont toi seul sais les chansons secrètes ;

Roupeyrac, où les loups grommellent dans leurs forts,
Pendant que les oiseaux chantent dans les feuillages,
Et que les écureuils entassent leurs pillages
De faînes et de glands au creux des arbres morts ;