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FRANÇOIS FABIÉ.

(1887) ; plus un court poème, Amende honorable à la Terre, éloquente réponse au fameux roman de M. Émile Zola sur les paysans.

Les œuvres de François Fabié ont été publiées par A. Lemerre.

François Coppée.


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À MON PÈRE





C’est à toi que je veux offrir mes premiers vers,
Père ! J’en ai cueilli les strophes un peu rudes
Là -haut, dans ton Rouergue aux âpres solitudes,
Parmi les bois touffus et les genêts amers.

Tu ne les liras point, je le sais, ô mon père !
Car tu ne sais pas lire, hélas ! et toi qui fis
Tant d’efforts pour donner des maîtres à ton fils,
On ne te mit jamais à l’école primaire;

Car, petit-fils d’un serf et fils d’un artisan,
Dès que ton pauvre bras fut tout juste assez ferme
Pour pousser sur ses gonds le portail d’une ferme,
Tu tombas dans les mains d’un âpre paysan,

Qui, t’ayant confié cent brebis et vingt chèvres,
Du matin jusqu’au soir, et tous les jours de l’an,
T’envoya promener ce long troupeau bêlant
Par les ajoncs fleuris où sont tapis les lièvres ;

Car ta plume, ce fut un grand fouet, dont ta main
Cinglait les boucs barbus et les chèvres espiègles
Qui tondaient lestement les orges et les seigles,
Ou les béliers en rut se heurtant en chemin ;