Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Comme font les curés dans tous leurs Oremus,
Dit :

         « Benedicat vos omnipotens Deus, »

« Feu ! — répéta la voix féroce, — ou je me fâche. »

Alors un d’entre nous, un soldat, mais un lâche,
Abaissa son fusil et fit feu. Le vieillard
Devint très pâle, mais, sans baisser son regard
Étincelant d’un sombre et farouche courage :

« Pater et Filius, » reprit-il.
« Pater et Filius, » reprit-il. Quelle rage
Ou quel voile de sang affolant un cerveau
Fir partir de nos rangs un coup de feu nouveau ?
Je ne sais ; mais pourtant cette action fut faite.
Le moine, d’une main s’appuyant sur le faîte
De l’autel et tâchant de nous bénir encor
De l’autre, souleva le lourd ostensoir d’or.
Pour la troisième fois il traça dans l’espace
Le signe du pardon, et, d’une voix très basse,
Mais qu’on entendit bien, car tous bruits s’étaient tus,
Il dit, les yeux fermés :

Il dit, les yeux fermés : « Et Spiritus sanctus. »

Puis tomba mort, ayant achevé sa prière.

L’ostensoir rebondit par trois fois sur la pierre.
Et, comme nous restions, même les vieux troupiers,