Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
LUCIEN PATÉ.

Comme un ami dont l’âme ailleurs s’en est allée.
Puis, prêtre de Cybèle et pensif bûcheron,
Creusant l’antique sol tout à l’entour du tronc,
J’ai mis au jour surpris ses racines âgées,
Dans le terrain fertile avidement plongées.
Le fer a tranché tout.

Le fer a tranché tout. Quand viendra la saison
Où l’opaque brouillard rétrécit l’horizon ;
Quand, sous le noir manteau des grandes cheminées,
Les veilles par l’hiver nous seront ramenées ;
Un soir que les amis, cercle aimable et charmant,
Seront nombreux autour de mon feu de sarment,
Je jetterai dans l’âtre, où le vent monotone
Chantera sa chanson, triste écho de l’automne,
Le débris desséché du vieil arbre péri,
Et tous rappelleront son souvenir chéri,
Et, tendant les deux mains aux flammes odorantes,
Rediront sa beauté, ses pêches transparentes,
De loin, en approchant, les sentiers embaumés,
Et ses rameaux en fleurs, des abeilles aimés.


____________



MON ÂME




Au doux éclat de ton visage,
Comme au rayon du firmament,
Ma pauvre âme sur ton passage
S’était ouverte doucement.

Mais voilà que ta main distraite
A cueilli mon âme en rêvant,
Comme on cueille une pâquerette
Que l’on effeuille ensuite au vent.