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ÉMILE BERGERAT.


L’ENSEVELISSEMENT


DE THÉOPHILE GAUTIER

 


Des gens en blouse, doux et forts,
Sont venus apporter la bière.
Elle est moins mesurée au corps
Qu’à son volume de poussière.

Mais que le chêne en est épais !
Au festin des vers quelle table !
Qui donc prétend qu’on dort en paix
Dans cette boîte épouvantable ?

Est-ce là, pour l’éternité,
Dans ce coffre étouffant et sombre,
Que ce grand chasseur de clarté
Sera couché, dévoré d’ombre ?

Lui qui, dans l’épaisseur des nuits,
Submergé de terreurs funèbres,
Comme un aigle au profond d’un puits,
Disputait son rêve aux ténèbres !

Pour la première fois qu’il dort
En soixante ans de vie humaine,
Il a bien le droit d’être mort
Sans qu’on le cloue et qu’on l’emmène !

Comme son beau front de héros
Fait face au ciel et le défie !
Il a les blancheurs du paros
Et semble refléter sa vie !