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MADAME LOUISA SIEFERT.


La nature au repos chante avec indolence
Son éternel poème. — Ô nature, silence !
Quel que soit ton génie, il est outrepassé ;
Un plus sublime accord nous émeut les entrailles,
Car, ici, le baiser des saintes fiançailles
                   Vers Dieu s’est élancé !

Les mères à pas lents sont enfin revenues,
Et les deux amoureux aux âmes ingénues
Sont allés les presser dans leurs bras triomphants :
« Nous ne formerons plus qu’une même famille.
« Mères, mères, voici votre fils, votre fille,
                  « Bénissez vos enfants ! »

(Rayons perdus)


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IMMORTALITÉ




Le chêne dans sa chute écrase le roseau,
Le torrent dans sa course entraîne l’herbe folle ;
Le passé prend la vie, et le vent la parole,
La mort prend tout : l’espoir, et le nid et l’oiseau.
L’astre s’éteint, la voix expire sur les lèvres,
Quelqu’un ou quelque chose à tout instant s’en va.
Ce qui brûlait le cœur, ce que lame rêva,
Tout s’efface : les pleurs, les sourires, les fièvres.
Et cependant l’amour triomphe de l’oubli ;
La matière, que rien ne détruit, se transforme ;
Le gland semé d’hier devient le chêne énorme,
Un monde nouveau sort d’un monde enseveli.