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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


SALUT !




Salut, beau cavalier qui descends la montagne
Qui de l’est au couchant, entre une double mer,
Se dresse en séparant la France de l’Espagne,
Comme un mur de granit où se brise le fer !
Jeune homme que vers nous poussent tes destinées,
Et qui pour nos cieux froids quittes ton ciel joyeux,
Dis-nous, en franchissant les blanches Pyrénées,
Si quelque vision n’a point charmé tes yeux.
Lorsque tu chevauchais, pensif et solitaire,
Sur leurs mornes sommets, et que tombait le soir,
Des voix qui chuchotaient dans un vague mystère.
Et d’autres dans ton cœur qui ne pouvaient se taire,
Ne vinrent-elles pas te crier : « Bon espoir ! »
N’as-tu pas, traversant la funèbre vallée,
La nuit, comme une plainte errante et désolée,
Entendu résonner le cor de Roncevaux ?
L’ombre du paladin qui suivait Charlemagne
Ne t’a-t-elle rien dit en passant la montagne ?
Ne t’a-t-ii rien conté de ses rudes travaux,
Celui qui, terrassant le mal et la démence,
Comme un glaive de feu mis par Dieu dans ses mains
Fit flamboyer son fer sur le front des humains,
Pourchassant les félons sur cette terre immense
À toute heure, en tout lieu, par monts et par chemins ?
Si tu l’as rencontré dans le défilé sombre
Qui vit tomber ce brave avec ses compagnons,