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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.



BATAILLES D’ACAJOU




Tout enfant, je restais des heures au salon,
Dans le mystère ombreux de la nuit qui s’avance.
Contemplant le piano d’où sortaient en cadence
Les sons tumultueux pressés en tourbillon.

La tranche d’acajou veinée en brun sillon
S’animait brusquement : une bataille intense,
Parmi les zigzags fous du bois qui se nuance,
S’allumait flamboyante en un feu sourd et long.

C’étaient des Huns avec leurs casques fantastiques,
Moissons d’hommes foulant les moissons d’or des champs,
Qui faisaient tournoyer leur hache à deux tranchants ;

Ou bien des grenadiers aux bonnets noirs épiques,
La baïonnette au poing, escaladant des corps.
— Tout s’évanouissait dès les derniers accords.


(Les Visions)





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