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PAUL DEMENY.

Rends-le-moi, rends-le-moi ton amour éternel,
Laisse-moi voir encor le soleil et la vie,
Jure-moi que ce n’est pas notre dernier jour :
Nous n’avons pas vingt ans, et la route suivie
Est pleine de baisers, de lumière et d’amour. »


L’allée était mystérieuse
Et se perdait dans le lointain ;
Dans une éclaircie amoureuse,
La nappe d’un lac argentin,
Se plissant au vent du matin,
Dormait sur la rive onduleuse.


Ils contemplaient le lac immobile et profond.
« Te souviens-tu, dit-il en cachant une larme
Qui tomba sur l’enfant et mouilla son bras rond ;
Éva, te souviens-tu que j’avais cette alarme :
Hélas ! ne t’aimer plus autant que je t’aimais ?
À ce jour de malheur survivrais-tu jamais ?
Crois-moi, la passion n’était pas éternelle :
L’amour use le cœur, la rouille use le fer ;
Mais je te jure ici, par ma vie immortelle,
Que toi seule… toi seule, en mon âme as vu clair ! »


L’allée était mystérieuse
Et se perdait dans le lointain ;
Dans le lac se mirait l’yeuse,
Et, comme un sentier serpentin,
Jusque dans l’abîme sans fin
S’enfonçait l’image menteuse.


En frissonnant, Éva s’accrochait à son bras :
« Je consens à mourir, si tu m’aimes encore !
— Mais nous vivrons, dit-il, nous suivrons pas à pas